Le pompier chef de centre ou chef de groupement et les élections municipales

Le pompier chef de centre ou chef de groupement et les élections municipales

Auteurs : MONPION Anne, PAULIAT-DEFAYE Philippe
Publié le : 29/01/2014 29 janvier janv. 01 2014

L’article L. 231 du code électoral a récemment été modifié par la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires.



Eligibilité aux élections municipales

Alors qu’un certain nombre de fonctions de direction au sein du conseil régional et du conseil général empêchaient la personne concernée de se présenter aux élections municipales, depuis, l’exercice de ces mêmes fonctions de direction auprès des établissements publics locaux empêche également la personne concernée de se présenter.

L’alinéa 8 de l’article L 231 du code électoral, est libellé de la façon suivante :

« Ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois :

Les personnes exerçant, au sein du conseil régional, du conseil départemental, de la collectivité territoriale de Corse, de Guyane ou de Martinique, d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou de leurs établissements publics, les fonctions de directeur général des services, directeur général adjoint des services, directeur des services, directeur adjoint des services ou chef de service, ainsi que les fonctions de directeur de cabinet, directeur adjoint de cabinet ou chef de cabinet en ayant reçu délégation de signature du président, du président de l'assemblée ou du président du conseil exécutif ; »

Dans la mesure où les Services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) sont bien des établissements publics départementaux en vertu de L. 1424-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), ils sont tout à fait concernés par cette modification législative.

De plus, il résulte de l’article R. 1424-20-1 CGCT que les chefs de groupement exercent des fonctions de direction puisqu’il dispose que :

« Placés sous l'autorité du directeur départemental des services d'incendie et de secours, les agents occupant les emplois mentionnés au 3o et au 4o de l'article R. 1424-19 assurent l'encadrement des groupements et des services dans les conditions définies par le règlement de mise en œuvre opérationnelle mentionné à l'article L. 1424-4 et par le règlement intérieur prévu à l'article R. 1424-22.
Les chefs de groupement officiers de sapeurs-pompiers professionnels sont nommés dans leur emploi par arrêté conjoint du préfet et du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours
».

L’article R. 1424-19 visé indique que :

« Les emplois de direction des services départementaux d'incendie et de secours sont les suivants:
1o Directeur départemental des services d'incendie et de secours;
2o Directeur départemental adjoint des services d'incendie et de secours;

3o Chef de groupement et responsable des affaires administratives et financières; […] ».

Cette analyse des nouvelles dispositions du code électoral, lues en combinaison avec les dispositions relatives aux membres des SDIS, est corroborée par la jurisprudence antérieure administrative concernant les anciennes dispositions du code électoral puisque ces dernières limitaient déjà l'éligibilité des directeurs généraux, directeurs, directeurs-adjoints, chefs de service et chefs de bureau de conseil général.

Le Conseil d'État a jugé qu'exercent des fonctions de direction des conseils généraux ou régionaux ou des fonctions équivalentes :

  • d'une part, le directeur général adjoint en charge de la délégation "Économie et développement des compétences" d'un conseil régional (CE, 19 nov. 2008, n° 317401, Lepec) ;
  • d'autre part, le responsable du service départemental des systèmes d'information, alors même que ses fonctions, qui n'excluent pas un pouvoir de décision et la possibilité d'une délégation de signature, n'auraient qu'un caractère technique et ne le mettraient pas en rapport avec le public ni avec les communes du département (CE, 19 nov. 2008, n° 317043, Garnier) ;
Le juge administratif s'est efforcé, dans chaque cas d'espèce, à rechercher la réalité des fonctions exercées au-delà du titre attribué à l'agent concerné. Faute de trouver dans les administrations territoriales des structures comparables à celles des administrations de l'État, le Conseil d'État procède souvent par équivalence.

L'utilisation de la notion de "fonctions équivalentes" montre bien que le juge s'attache moins au titre ou au statut de l'agent qu'à la substance de ses fonctions, à son pouvoir d'influence sur les électeurs, directement ou par l'intermédiaire de leurs élus, spécialement quand ce pouvoir d'influence se traduit en termes de financement, d'aides ou de subventions (par exemple, CE, 19 févr. 2009, n° 317512, Élect. mun. Villerest).

C'est pourquoi des agents appartenant aux services de l'État ont pu être déclarés inéligibles en application de l'article L. 231, 8° du fait que leurs fonctions étaient équivalentes à celles d'un chef de bureau de conseil général ou régional (CE, sect., 7 janv. 1994, Élect. cant. Longny-au-Perche : Rec. CE 1994, p. 9 – CE, 8 févr. 1999, Bergelin : Rec. CE 1999, tables, p. 802).

Il résulte de cette jurisprudence que le juge administratif a une vision extensive de l’inéligibilité, même s’il s’attache non au titre mais aux fonctions effectivement exercées. En conséquence, et au regard des nouvelles dispositions de l’alinéa 8 de l’article L. 231 du code électoral, lues en combinaison avec les articles R. 1419-1 et R. 1419-20-1 du CGCT, il semble que les chefs de centre et de groupement des SDIS ne sont pas éligibles aux élections municipales.





Cet article n'engage que son auteur.

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